dimanche 17 janvier 2010

"Une vie"

[...] Elle se croyait si directement poursuivie par une malchance obstinée contre elle qu'elle devenait fataliste comme un Oriental ; et l'habitude de voir s'évanouir ses rêves et s'écrouler ses espoirs faisait qu'elle n'osait plus rien entreprendre, et qu'elle hésitait des journées entières avant d'accomplir la chose la plus simple, persuadée qu'elle s'engageait toujours dans la mauvaise voie et que cela tournerait mal. Elle répétait à tout moment : "C'est moi qui n'ai pas eu de chance dans la vie." Alors Rosalie s'écriait : "Qu'est-ce que vous diriez donc s'il vous fallait travailler pour avoir du pain, si vous étiez obligée de vous lever tous les jours à six heures de matin pour aller en journée ! Il y en a bien qui sont obligées de faire ça, pourtant, et, quand elles deviennent trop vieilles, elles meurent de misère." [...]

Et Jeanne, alors, ne répondait plus rien.